Paradigmes comportementaux

Responsables  : Nadia MAÏZI, Edi ASSOUMOU

François BRIENS a soutenu le 14 décembre 2015 une thèse, initiée fin 2011, sur l’analyse prospective critique de la décroissance comme projet de transition vers des sociétés d’abondance frugale. Depuis le début du XXIème siècle, l’hégémonie de la croissance économique comme fin en soi ou comme condition nécessaire au « développement » semble de plus en plus remise en cause. Suscitant un intérêt croissant et de vifs échanges, les idées de la « Décroissance » ou de « l’objection de croissance » se sont diffusées rapidement et ont acquis une certaine notoriété.
La première phase du projet de recherche entrepris au sein du CMA a permis d’extraire les idées essentielles de cette « matrice » d’alternatives, issue à la fois d’une critique « physique » et « culturelle » de la croissance. A travers une approche transdisciplinaire originale à dominante macro-économique, l’objectif du projet est à présent d’investiguer les implications possibles de scénarios de décroissance.
 

François BRIENS a soutenu sa thèse le 14 décembre 2015 à l'Ecole des Mines de Paris à Sophia Antipolis

Face aux enjeux socioéconomiques, démocratiques, et environnementaux, la croissance économique comme fin en soi, ou comme condition nécessaire au « développement », est de nouveau remise en cause. Depuis le début du XXIème siècle, suscitant un intérêt grandissant et de vifs échanges,, la Décroissance se fraie une place dans le débat. Après avoir resitué son émergence dans la perspective historique de la controverse qui s’est développée, au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, autour de la croissance et du modèle de développement des pays industrialisés, nous suggérons une synthèse des principales idées et des propositions concrètes actuellement portées par ses partisans. Celles-ci soulèvent un certain nombre de questions complexes, pour lesquelles nous proposons d’apporter quelques éclairages à travers un exercice de modélisation prospective. Nous réalisons pour cela une série d’entretiens, qui visent à recueillir différentes visions détaillées et quantifiées de ce que pourraient être, selon les participants, des scénarios de Décroissance, ou ─ plus largement─ des scénarios de transitions souhaitables et soutenables, notamment en termes d’évolution des institutions, des modes de vie et de consommation, pour la France. En parallèle de ces entretiens, nous développons un modèle spécifique de simulation dynamique de l’économie française, construit autour de l’analyse entrées-sorties, sur la base de données publiques, et incorporant un haut niveau de détail. A l’aide de cet outil macroéconomique, nous proposons alors d’explorer, sur un horizon à long terme (2060) les implications possibles - en termes d’emploi, de finances publiques, de consommation d’énergie, d’émissions de polluants atmosphériques, et de production de déchets- de différents scénarios, dont ceux élaborés à partir des entretiens. Les résultats des simulations soulignent l’importance des choix institutionnels, des facteurs culturels, comportementaux, et « non-techniques », et par là le potentiel de certaines propositions des mouvements de la Décroissance. Ils invitent ainsi à ouvrir le débat autour de la construction collective d’un nouveau projet de société. Dans cette perspective, notre approche offre un support simple et efficace pour la compréhension commune et la délibération collective.

 

Thomas LE GALLIC, quant à lui, a débuté des travaux de recherche en décembre 2013 sur l’exploration des évolutions des modes de vie dans les exercices de prospective énergie-climat, sous la direction de Nadia MAÏZI et Edi ASSOUMOU. Il s’agit ici de proposer un développement méthodologique en vue d’appréhender la réalité socioéconomique d’hypothèses de rupture associées au mode de vie. Ceci permettra d’enrichir les représentations des mutations socioéconomiques, souvent pauvres dans les exercices de prospective classiques, et d’exploiter des hypothèses de transition rarement explorées, faute d’outils ou de méthodes adaptés. Car les modes de vie décrivent des comportements qui sont des déterminants essentiels de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre (relatifs, par exemple, aux modes de consommation, aux rapports au temps et à l’espace, aux types de loisirs, aux habitudes de mobilité ou encore aux modalités de cohabitation). Cette thèse qui devrait être soutenue fin 2016, est réalisée en partenariat avec ACTeon, bureau de conseil et recherche en politique de l’Environnement. Ces travaux ont été présenté au colloque "Sciences sociales et transitions énergétiques" à Grenoble les 28 et 29 mai 2015. [Le Gallic, Assoumou E., Maïzi N., 2015, Énergie, mode de vie et modélisation prospective : une approche quantitative] ainsi qu’aux membres du réseau PROSPER le 14 octobre 2015 [T. Le Gallic, Assoumou E., 2015, Les exercices de prospective énergie-climat à l'épreuve de la mutation des modes de vie].

Le CMA prolonge ses réflexions sur la question de la précarité de ménages face aux options  de réduction des émissions de CO2 dans les décennies à venir. Ces travaux ont été initiés par les travaux de Jean Michel CAYLA intégrant le comportement des ménages dans l’approche de long terme, dans le cadre de sa thèse, soutenue le 3 mars 2011, et intitulée "Les ménages sous la contrainte carbone. Exercice de modélisation prospective des secteurs résidentiel et transports avec TIMES". Sous la direction de Nadia MAÏZI, J-M. CAYLA a développé un modèle bottom-up d'optimisation de type TIMES portant sur les secteurs résidentiel et transport : TIMES-households, et intégrant une représentation très désagrégée des ménages permettant d'apporter une plus grande robustesse que l’approche classique basée sur la représentation d'un ménage moyen. Cette réalisation s’est appuyée sur l’exploitation d’une enquête originale, élaborée par J-M. CAYLA et menée auprès de 2000 ménages, croisant pour la première fois les comportements de consommation énergétique dans les usages résidentiels et de transport. Ces travaux ont permis de rendre compte des contraintes subies par les ménages et de leurs arbitrages en matière d’énergie, entre coût et confort.  L’efficacité de l'instauration d'une taxe carbone, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et son association avec des subventions ciblées permettent de limiter l’impact distorsif sur le budget des ménages. Ces travaux ont fait l’objet de plusieurs publications.

Dans le prolongement de ce travail, Elena STOLYAROVA, a soutenu le 7 avril 2016, dans les locaux de MINES ParisTech, une thèse intitulée "Modélisation de la consommation énergétique des ménages et stratégies d'investissement", sous la responsabilité de Nadia MAÏZI, en collaboration avec EDF R&D.

Les préférences des ménages français pour les travaux de rénovation énergétique dans le logement ont été peu étudiées jusqu’à présent. Or, elles sont la clé d’une politique énergétique efficace et réaliste pour le secteur résidentiel, tant au niveau des aides proposées, qu’au niveau des objectifs à réaliser. Les ménages sont-ils intéressés par des travaux à fort potentiel d’économie d’énergie ? Combien sont-ils prêt à payer et est-ce que c’est suffisant pour couvrir les coûts réels ? Combien de ménages n’ont pas le choix de leur mode de chauffage et quel est leur profil ? La thèse s'attache à répondre à ces questions de façon empirique à l’aide de modèles de choix discrets.

Il s’agit, dans un premier temps, d’analyser les contraintes techniques, sociodémographiques et spatiales que rencontrent les ménages et qui peuvent entraver potentiellement les choix énergétiques dans le logement. Une méthodologie de détection des ménages contraints a été proposée, puis  appliquée au choix du chauffage en 2006 et 2013. Elle montre que le nombre des ménages potentiellement contraints passe de 49% en 2006 à 17% en 2013 et que l’accès au gaz de réseau est la contrainte la plus forte. Par ailleurs, les ménages contraints se retrouvent avec des moyens de chauffage classiques (chaudière ou chauffage électrique direct), tandis que les ménages non contraints ont des chances quasiment équiprobables d’avoir chaque moyen de chauffage, y compris un poêle à bois ou une pompe à chaleur.

Dans un deuxième temps, les préférences des ménages pour les équipements de chauffage et les travaux de rénovation ont été étudiées. Cette deuxième partie utilise une enquête expérimentale qui a été réalisée spécialement pour ce travail de recherche auprès de 2000 ménages et qui est une première en France. Le but de cette enquête était de reproduire la situation du choix pour avoir une information complète sur le processus qui n’est pas disponible dans les enquêtes classiques. Ce travail a permis de comprendre les préférences des ménages en l’absence de contraintes et leur hétérogénéité. La forme fonctionnelle du modèle a permis d’en déduire plusieurs indicateurs économiques : les taux d’actualisation implicites, les consentements à payer et les prix de réservation. Ainsi l’étude montre, que les ménages français sont prêts à investir deux fois plus dans des travaux d’isolation que dans des travaux d’amélioration du chauffage. Cette préférence est d’autant plus importante, s’il s’agit des ménages en inconfort thermique. Nous observons aussi que les ménages sont intéressés par les nouvelles technologies énergétiquement efficaces telles que les énergies renouvelables, la pompe à chaleur, ou encore la gestion intelligente du chauffage. Finalement, l’étude des préférences montre deux obstacles au développement de nouvelles technologies : d’une part  l’inertie des préférences augmente avec l’âge du répondant ; d’autre part en moyenne, les sommes que les ménages sont prêts à investir ne couvrent pas toujours les prix réels du marché. Par exemple, un ménage moyen est prêt à investir au maximum environ 5 500 € dans l’amélioration du chauffage, alors que le coût d’installation d’une pompe à chaleur très efficace est de 13 500 €.

 

 

 

 

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